Comment lire le texte posthume d'un homme qui, comme Edouard Levé, a décidé sa mort avec tant de soin : faire-part, testament, post-scriptum ou simplement texte de plus - le dernier ? C'est une question que pose et met en scène Suicide, manuscrit que l'écrivain et artiste rendit trois jours avant le sien.
Dans Richard II, espérant que sa fin donnera à ses paroles le poids qui leur a jusqu'ici manqué, Jean de Gand dit que «les langues de ceux qui meurent forcent l'attention/Comme une harmonie profonde». Que dire alors de la langue de ceux qui se tuent ? On l'écoute malgré soi, malgré tout, comme un message rétrospectif. Elle paraît donner sens à l'acte qui nous inquiète et cohérence à une vie qui en a peu. On a peut-être tort, peut-être pas. On est souvent pompeux ou exaspéré, interpréter rend si bête, mais on ne peut pas s'en empêcher : la mort volontaire n'est pas une signature comme une autre. C'est généralement un abus de pouvoir envers ceux qui survivent. Ce qu'Edouard Levé résume assez bien : «Tu seras toujours juste, puisque tu ne parles plus. [.] A toi les vérités, à nous les erreurs.»
Dispositif. Edouard Levé s'est pendu à 42 ans, le 15 octobre 2007. Sa femme l'a trouvé dans leur appartement. Suicide semble faire partie du dispositif de son acte. L'écrivain s'adresse en le tutoyant à un ami d'enfance et de jeunesse, qui s'est tué à 25 ans. Le livre commence par la description de sa mort. La femme était dans le jardin, elle entend une