Les livres sont des aliments qui disent beaucoup de celui qui les absorbe. Ils sont comme la nourriture, déterminent la couleur de l'épiderme de celui qui les ingère, l'odeur et le tissu de la peau qui enveloppe le corps, la clarté ou l'opacité du regard, la consistance des cheveux sur la tête. Passer en revue une liste de livres, c'est comme sonder l'intérieur du corps d'un pays, chercher entre l'estomac et la rate, ausculter le battement de coeur d'une nation. Et ce qui fait palpiter l'Italie, à vouloir regarder les veines qui innervent son corps, est le battement d'un pays apeuré, suspendu entre la volonté de s'agripper au récif d'un passé révolu, et la fascination morbide, craintive, pour un présent qui est tel un champ de mines, explosant à chaque pas en avant que l'on tente de faire.
Débris. Gomorra de Roberto Saviano, la Casta («la caste») de Gian Antonio Stella et Sergio Rizzo, le Mani sporche («les mains sales») de Marco Travaglio, Peter Gomez et Gianni Barbacetto ou l'Italia ferita («l'Italie blessée») de Mario Calabresi sont l'emblème d'un pays qui fouille dans les débris d'une Italie bloquée, dans les chromosomes d'un corps malade. Il existe une tendance, tout italienne, à contourner systématiquement une règle partagée. C'est une pratique en expansion, qui se répand comme une épidémie, la contagion d'une habitude mentale - presque un penchant esthétique - qui ouvre des brèches dans toutes les couches de la société civile (ou inc