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Libération
Critique

La constance du Béarnais

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Bourdieu par Bergounioux.
par Pierre Bergounioux
publié le 13 mars 2008 à 2h40

Philosophe de formation, spécialiste de l'esthétique, traductrice de Wittgenstein et d'études anglaises sur l'empirisme logique, Marie-Anne Lescourret n'ignorait rien des périls et risques d'une biographie de Pierre Bourdieu, après celles, plus conventionnelles, inoffensives, qu'elle a consacrées à Goethe, Claudel et Levinas. Son sujet est unique en ce qu'il défie, par sa haute teneur réflexive, l'entreprise d'objectivation. Il engage le biographe fort au-delà de ce que l'on met habituellement de soi en décrivant la vie des autres. Il l'oblige à aborder des questions hautement théoriques qui touchent simultanément - Bourdieu l'a montré - à ce qu'il y a de plus intime en nous. Marie-Anne Lescourret cite, à ce propos, Establet et Baudelot : «Bourdieu a réintroduit à la fois les individus et la vie dans les analyses de classe. De là le caractère personnellement impliquant de la plupart de ses textes.»

Magistère. L'énormité de l'affaire est explicitement posée. L'auteur a pris la mesure de la révolution intellectuelle opérée par Bourdieu, de l'importance d'une pensée qui a modifié les représentations collectives, à commencer par celle que développent les milieux cultivés et qui reçoit, chez les professionnels de la conscience de soi que sont les philosophes, son suprême degré de rigueur et de raffinement.

Tout événement s'inscrit à l'intersection d'une histoire et d'une structure. Il accuse l'inertie du passé et les contraintes du présent. Une biographie de Bourdieu passait