L'Afghanistan romanesque que nous ont raconté Kessel, Kipling, Robert Byron et tant d'autres ne ressuscitera probablement pas. Gouverné tour à tour par les utopies communiste, islamiste et, avec les talibans, fondamentaliste, confronté à trente années de guerres qui ont déchiré le tissu social et fracassé la mosaïque ethnique en éclats tranchants, le pays a fini par muter. L'acte de décès de cet Afghanistan d'avant la montée des ténèbres avait été signé il y a plus de vingt ans déjà par Sayd Bahodine Majrouh, le plus grand écrivain afghan contemporain, dans le Voyageur de minuit et le Rire des amants (1). Son assassinat, le 11 février 1988, par deux tueurs islamistes avait valeur de prémonition. L'Afghanistan d'aujourd'hui, où «les enfants apprennent la mort dès leur premier souffle» (2), n'est heureusement pas sans écrivains : Atiq Rahimi, Spôjmaï Zariâb.
Aliénés. Vient de les rejoindre Feryal Ali Gauhar, une écrivaine pakistanaise de Lahore. Elle aussi s'attache à suivre la ligne des cicatrices, qui sont autant de lignes de fracture, de ce pays que l'on appelait aussi Azadestan, «le pays des libres». Ses héros ne sont plus des cavaliers, des derviches, des poètes, des musiciens, des magiciens ou des caravaniers, mais les pensionnaires d'un asile d'aliénés, perdu entre désert et montagnes, une effroyable cour des miracles, métaphore de ce qu'est devenu aujourd'hui l'Azadestan.
C'est un soldat américain qui raconte l'asile. Ayant quitté seul sa base, «o