Régis Debray est un essayiste ardent et maussade, qui peint son époque d'une plume étrangement désynchronisée. Côté classique, un phrasé scandé, une certaine préciosité et l'agacement manifeste devant la petitesse de ses contemporains ; côté branché, un appétit insatiable pour l'air du temps, les expressions en vogue, les références, les néologismes. Dans le livre que voici, l'auteur de Loués soient nos seigneurs emprunte au catalogue des formes littéraires la catégorie «carnet de voyage» - genre ambigu, qui flatte l'esprit moderne en associant exploration et écriture mais dont on peut se demander si le prestige qui le nimbe désormais ne révèle pas surtout le regret des temps où partir était un plaisir réservé à quelques-uns. Mettre ses pas dans ceux de Chateaubriand ou Flaubert, n'est-ce pas une façon de se démarquer du troupeau des touristes low-cost, de monter en clandestin dans la barque de l'histoire ? Connaissant l'époque, on craint la grandiloquence, l'invincible nostalgie.
Excepté les premières pages, abandonnées à l'exposition de l'ego, Un candide en Terre sainte déjoue la méfiance initiale. Et, même, la renverse : petite religion toujours plus ou moins déçue, l'exotisme, loin d'alimenter les envolées redoutées, s'avère un contrepoison efficace contre les banalités théologiques des «Malraux de sous-préfecture» - «le XXIe siècle sera religieux ou ne.», on connaît le cantique et Debray n'y cède pas. L'inquiétude se nourrissait aussi du «repo