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Libération
Critique

Au pas de Handke

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publié le 3 avril 2008 à 2h57

Ce qu'on cherchait vous attend, puis vous surprend. Rencontrer Peter Handke, c'est d'abord s'installer dans une absence, puis oublier d'être utile dans un monde qui vous reproche de ne pas l'être assez. «L'utile lui est étranger, dit Georges-Arthur Goldschmidt (1), qui fut trente ans son traducteur. Son écriture est celle de quelqu'un qui ne se sert pas du monde, mais y vit et le regarde, au sens fort.» On sonne et il apparaît en chemise blanche sur le perron de sa maison, un ancien pavillon de chasse ou de plaisir, sur deux étages, datant du XIXe siècle. Il a plu, tout est vert, quelques odeurs montent. La silhouette est élégante, presque fragile, très légèrement voûtée, saluant à peine ce qui l'entoure. Il a 65 ans et son mouvement évoque cette phrase dite à Peter Hamm dans un nouveau recueil d'entretiens, dont fut tiré un portrait pour Arte : «Laisser apparaître le temps dans ces catégories sensuelles m'a toujours fasciné.» Ce qui est sensuel, c'est ce qui est lent. Peter Handke séduit par manque de rapidité.

«Sans frontières». Il dit dans ces entretiens : «C'est quand même, je crois, une condition aujourd'hui universelle de l'écrivain, s'il veut continuer à être auteur : être dans la distance et rester solitaire.» Dans cette distance et cette solitude affirmées, il y a l'innocence d'un oeil, la puissance d'un auteur, la coquetterie et les meurtrissures d'un homme : celui qui a soutenu la Serbie et Slobodan Milosevic contre l'Europe. On le lui a beau