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Libération
Critique

Effrayant la chronique

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publié le 3 avril 2008 à 2h57

La traduction du premier roman de Pete Dexter est un événement, pas seulement parce que c'est son meilleur, mais parce qu'il contient tous les autres. On regrette surtout ne pas avoir eu la chance de l'avoir lu en 1983, d'éprouver sans attente particulière le choc de cette langue coupante et hérétique, de partir de fous rires incrédules devant telle ou telle sortie, s'émerveiller de la bravoure kamikaze de l'auteur et de son don pour la vulgarité. La première section, une soixantaine de pages, est ce qu'on a écrit de mieux dans son pays en cinquante ans - la perfection même. La façon dont il définit les trois personnages de sa «vie de chantier», Peets, le colosse contremaître philosophe, «old Lucy», le maçon noir taciturne, et Leon Hubbard, le jeune con méchant comme la gale, qui sort son rasoir de sa poche une fois de trop et se fait estourbir d'un coup de tuyau de plomb par le vieux qu'il emmerdait.

«Opinion».Le fait que ces trois hommes ne soient pas les personnages centraux du roman, lequel relate les effets en série provoqués par cet «accident du travail», est typique de l'art diabolique de Dexter. Comme se dit Mickey Scarpato à un moment, «Leon vivant avait été assez chiant, mais mort, il allait le tuer». Il faut dire que Mickey - un bon bougre perçu comme connecté, mais en réalité un timide gagne-petit - vient de voir le cadavre embaumé de Leon dans la rue au milieu des quartiers de boeufs volés, son camion défoncé et renversé sur le côté, a