Peter Handke a découvert Paris à 22 ans. Plus tard, il a traduit des écrivains français. Récit de son expérience.
«Le premier que j'ai traduit est Emmanuel Bove, il y a trente ans. Je revenais d'Alaska, j'avais fini Lent Retour, je retournais en Autriche et je ne pouvais plus écrire. C'était une pause d'angoisse. Je trouve scandaleux d'écrire, je ne comprends pas que ce ne soit pas un problème. C'est un sacrilège et, parfois, je suis un criminel heureux. Je ne pouvais plus écrire, mais je ne voulais pas abandonner les mots, leur rythme, la chaleur qui est à leur place, et, en Autriche, j'avais besoin de lire dans une langue étrangère. J'ai commencé par lire mot à mot les présocratiques. Puis Luc Bondy m'a fait découvrir Emmanuel Bove. Le traduire était un vrai match de foot : Emmanuel Bove était le joueur principal et moi je l'aidais à jouer dans l'autre camp, en langue allemande. Le premier texte était Bécon-les-Bruyères. Il décrit les alentours de la gare, simplement cette gare de banlieue, et c'est incroyable. On n'a vraiment pas besoin de Gabriel Garcia Marquez (1) ! De lui, j'ai également traduit Mes amis et Armand.
«Ensuite, j'ai traduit Francis Ponge. En Allemagne, il était occupé par les avant-gardistes. J'ai recommencé à lire le Carnet du bois de pins tandis que j'écrivais la Leçon de la Sainte-Victoire. Ponge dramatise un moment de sa vie qui, comme dirait Kafka, devient le sentiment profond - le passeport univer