Plus qu'un sentiment, une constance dans les affections, une attitude d'esprit, voire un trait de caractère, la fidélité, comme d'ailleurs l'amour, est un mode de connaissance. Quand on est fidèle, à une personne, à un idéal, à une cause qu'indéfectiblement on défend, à un texte que l'on traduit, on élimine ou néglige, avec le temps, les contingences, les traits secondaires, les variations conjoncturelles, et, ainsi, on se rend capable de saisir «ce qui demeure», le «coeur», sinon l'essence de ce à quoi on est dévoué. En ce sens, Michel Contat, parce qu'il lui a été fidèle toute une vie, est sans doute le meilleur «connaisseur» de Jean-Paul Sartre. Dans le texte pudiquement «autobiographique» qui clôt son Pour Sartre, publié aujourd'hui, Contat dit très simplement ce que lui a apporté de «plus précieux» la «relation singulière et privilégiée» avec l'auteur de l'Etre et le Néant : «Philosophe de la liberté, il m'en avait donné le sens par ses livres et le goût par sa présence. Donc, le sentiment de ma liberté, très vif, il me semble que je le lui dois. Dans la vie quotidienne, il m'a donné de vivre ceci de très rare : l'affection filiale que l'on peut éprouver pour quelqu'un de beaucoup plus âgé et qui n'est pas votre père [.]. Depuis sa mort, à force de plonger dans ses brouillons, ses projets inédits, cette prodigieuse machine à créer, j'ai développé un autre sentiment, et qui n'a fait que croître : l'admiration.»
«Lieux».Sartre aurait pu a