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Libération

Pauvre mère des peuples

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publié le 17 avril 2008 à 3h07

On se souvient de la magistrale analyse du meurtre politique russe par Hélène Carrère d'Encausse : elle le plaçait sous le signe d'un malheur, construit et perpétué par une tradition qui favorise la collectivité dominée par un père-chef aux dépens de l'individu (le Malheur russe, Fayard, 1988). L'intégration de ce modèle, perçu comme une fatalité, a permis sa recomposition en dépit de la révolution et favorisé le totalitarisme stalinien.

Sur cette toile de fond que trente ans de recherches ont précisée, Hélène Yvert-Jalu dessine avec rigueur la marche chaotique des femmes, étroitement dépendante de la place accordée à la famille, base fondamentale des constructions sociétales qui se succèdent, de l'Empire tsariste à la Russie postsoviétique. D'emblée, la dimension politique du statut des femmes, pourtant arrimées au privé et à ses obligations, est mise en exergue : l'édifice repose sur un savant enchevêtrement de hiérarchies et de devoirs, sur une reproduction pyramidale, sans que l'on puisse savoir, précise l'auteure, si les rapports de domination au sein de la famille patriarcale russe avaient pour origine le modèle autocratique, ou si, au contraire, ils ont inspiré l'Etat.

Quel que soit le sens de la filiation, le genre est une pièce maîtresse. Au commencement fut donc le Père - le tsar - et les pères - seigneurs, géniteurs, maris - adoptant une même brutalité. La violence domine les rapports de sexes dans la Russie tsariste, monde rural où la promiscuité dans des is