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Libération
Critique

Hip hip hip Yu Hua

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Des barbaries de la Révolution culturelle à la vulgarité du capitalisme moderne, Yu Hua raconte le destin de deux «Brothers».
publié le 24 avril 2008 à 3h12

Comment ne pas penser aux Jeux olympiques ? «Toutes les rues, d’est en ouest, furent rasées systématiquement, et notre vieux bourg des Liu en sortit méconnaissable.» Mais il ne s’agit pas de sport, et nous ne sommes pas à Pékin. L’imagination du romancier Yu Hua a simplement devancé la réalité, comme souvent, comme lorsqu’il a écrit le Vendeur de sang, bien avant le scandale du sang contaminé. Pour Brothers, paru en 2005-2006 en Chine, il dit avoir choisi les concours de beauté comme symbole des années 90. «Notre vieux bourg des Li» fait peau neuve, nouvelles avenues, nouveaux immeubles, pour une ambitieuse compétition : le «Grand Concours des miss vierges», organisé de manière à ramener auprès du potentat local des médias un peu démobilisés.

Gargantuesque. Hymen artificiel, chirurgie réparatrice, vérification des candidates par le patron en personne : le trafic qui entoure le concours des vierges, aux trois quarts du livre, est un Himalaya de mauvais goût. Mais, il faut bien le dire, dès la première partie de Brothers, dès l'ouverture, le lecteur est secoué par un assaut d'inspiration paillarde - il ne doit pas se décourager, la route va être longue, elle en vaut la peine. Brothers est l'oeuvre gargantuesque d'un auteur infernalement doué, qui regarde l'univers d'un oeil consterné, mais non sans affection, qui nous fait sans cesse passer du ricanement aux larmes, de la pitrerie à la tragédie, de la barbarie à la mondialisation. Et de la charrette au