Yu Hua, 48 ans, était enfant pendant la Révolution Culturelle. Dentiste de 1978 à 1983, il prétend avoir arraché plus de dix mille dents. Il commence l'entretien par demander en riant combien de temps il faut pour lire Brothers. Il l'a écrit en deux ans.
Vous écrivez toujours aussi vite ?
Non. J'ai été entraîné par le livre. Je pensais écrire cent pages, mais j'ai perdu le contrôle, j'étais dans un état second. D'habitude, j'écris, le lendemain j'ai du mal à m'y remettre, là ce n'était pas pareil, j'entrais tout de suite dans ce que j'écrivais, ma pensée allait plus vite que l'ordinateur.
Le «brother» déluré regarde les fesses des dames dans les toilettes publiques. Cette scène est là pour choquer ou pour séduire ?
C'est une expérience de la Révolution culturelle, on épiait les filles dans les latrines. Il y avait une telle répression des désirs : c'est ce que j'ai voulu montrer. Aucun écrivain chinois n'avait encore écrit ça. Cela a heurté les lecteurs. J'ai écrit ce que les gens font mais n'ont pas envie qu'on dise.
L'ensemble du roman est assez rabelaisien.
J'admire beaucoup Biographie d'un géant [Gargantua, ndlr], où il est dit : «Courez toujours après le chien, jamais ne vous mordra.» Quand en Chine on m'interrogeait sur Brothers, je répondais par cette phrase. Elle signifie qu'il faut trouver un angle d'attaque radicalement différent de celui dont les gens ont l'habitude. Il faut faire l'inverse. Ce roman a suscité d'énormes controve