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Libération
Critique

Constellation Lévi-Strauss

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Préférence. Parution d'un volume d'«OEuvres» de l'anthropologue dans «la Pléiade», comprenant entre autres «Tristes Tropiques» et «la Pensée sauvage».
publié le 8 mai 2008 à 3h23
(mis à jour le 8 mai 2008 à 3h23)

De ce dont on s'enrichit, on voudrait qu'autrui s'enrichisse, ce qu'on aime, l'offrir à ceux qu'on aime, qu'on éduque ou instruit, et à qui on tient. C'est pourquoi on éprouve parfois autant de délectation à lire un livre qu'à le prescrire ou le conseiller. Il est des oeuvres qu'on ne peut pas garder pour soi, dont la lecture créerait un plaisir inachevé s'il n'était prolongé par celui qu'on espère voir naître chez d'autres lecteurs, à l'infini. Tristes Tropiques - le récit des expéditions de Claude Lévi-Strauss en Amazonie et dans le Mato Grosso (1935-1938), chez les Caduveo, les Bororo, les Nambikwara, les Mundé et les Tupi-Kawahib, puis en Inde (1950) - est de celles-là.

Chanson. On aimerait que ce livre soit un film projeté dans une salle pleine, ou un concert, tant la profusion de pensées, de rêves, d'émotions qu'il suscite demande à «circuler» et à être partagée. Peu importe qu'il soit ou non l'ouvrage le plus important de Lévi-Strauss. Tristes Tropiques est le plus «retentissant», le plus débordant de sens, «hors genre», à la fois essai d'anthropologie, exposé méthodologique, «travelling mental», récit de voyage, recueil de données ethnographiques, «roman vaguement conradien», autobiographie intellectuelle où s'enchaînent pêle-mêle considérations philosophiques, anecdotes, souvenirs personnels évoqués de façon tantôt ironique, tantôt mélancolique. De ce fait, il reste à jamais «dans la tête».

Comme chanson entendue le