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Critique

Glace tous risques

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Voyageurs. Mirko Bonné se met dans la peau d’un marin de Shackleton.
publié le 8 mai 2008 à 3h22

L’expédition de Sir Ernest Shackleton, partie en 1914 rejoindre le pôle Sud, cependant que l’Europe entreprend de s’étriper, va tout perdre. Les chiens, qui devaient assurer les 3 000 kilomètres de la traversée de l’Antarctique en traîneaux, meurent les uns après les autres, grignotés de l’intérieur par les vers : il n’y a pas de remède pour ça à bord de l’Endurance, on a pensé aux aiguilles de phonographe mais pas au vermifuge. Le bateau lui-même disparaît, pris en étau par les glaces et fracassé comme une coque de noix. Il n’était pas taillé pour la banquise. Enfin, le chat, seul de son espèce, trépasse à son tour, le jour où les marins n’ont plus rien à se mettre sous la dent. A ce stade, qui a soif emporte un stock de glace dans son sac de couchage. «Une nuit produit une cuillère à soupe d’eau.»

«Désastre».Une fois délesté, une fois que chacun des membres de l'équipage a retourné ses poches pour abandonner le genre d'objets qui vous arrime un peu au monde, il reste à perdre de vue l'objectif même. Et, une fois l'expérience de la perte menée à son terme, Ernest Shackleton gagne le seul combat qui vaille : celui de la vie. Le meilleur résumé d'Un ciel de glace, par quoi nous faisons la connaissance en France du romancier et poète allemand Mirko Bonné (né en 1965), nous le devons à Dominique Le Brun lorsqu'il présente l'expédition transantarctique (la vraie) dans son introduction au récent recueil le Roman des pôles (1): «D'une expédi