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Libération
Critique

Noir mat, brun cannelle

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publié le 8 mai 2008 à 3h22

«Nous voulons être à la fois français et noirs, sans que cela soit vu comme suspect, ou étrange, ou toléré à titre de problème temporaire en attendant que l'assimilation fasse son oeuvre. Nous voulons êtres invisibles du point de vue de notre vie sociale, et par conséquent que les torts et les méfaits qui nous affectent en tant que Noirs soit efficacement réduits. Mais nous voulons être visibles du point de vue de nos identités culturelles noires, de nos apports précieux et uniques à la société et à la culture françaises.» A la fin de son livre, Pap Ndiaye imagine la parole qui surgirait si les Noirs de France se mettaient aujourd'hui ensemble pour formuler «une demande collective». Le «nous» qui émerge alors se charge d'une ambiguïté intéressante. On sent que, au «nous» sociologique, Ndiaye mêle sa propre voix et que sa pensée l'engage tout entier. Ces temps-ci, ce n'est pas si fréquent.

Discipline. La Condition noire est un livre important, parce qu'il ouvre un nouveau champ d'études dans la sociologie française. Si la situation des Noirs en France a fait l'objet d'essais ou d'études universitaires, c'est la première fois qu'un ouvrage s'attache à en faire une discipline en soi, mobilisant, à l'image des black studies américaines, des savoirs aussi variés que l'histoire, la sociologie, la science politique ou l'histoire des idées. Mais cet acte de fondation n'aurait pas la même force si Pap Ndiaye ne s'y engageait aussi intimement.

Universitaire,