Les littératures de fiction et de voyage furent aux XVIIe et XVIIIe siècles un vecteur plus précoce et plus imaginatif que les essais philosophiques pour aborder des questions comme l'esclavage ou la rencontre entre cultures différentes. Jean-Frédéric Schaub s'intéresse à l'un des plus curieux des romans traitant de la servitude, Oroonoko, publié en 1688 par la dramaturge anglaise Aphra Behn. Ce livre, qui devint vite un succès de librairie, raconte l'histoire d'Oroonoko, prince africain doté de toutes les vertus de la noblesse (bravoure, éducation, sens de l'honneur). Il s'éprend de la belle Imoinda, également convoitée par son roi. Pour la punir, ce dernier la vend à un marchand d'esclaves. De son côté, Oroonoko est traîtreusement fait prisonnier par des négriers anglais. Envoyé au Surinam, il en impose cependant par sa prestance royale à son acquéreur, l'intendant du gouverneur de la Caraïbe. Il retrouve alors par hasard Imoinda, dont la grossesse rend leur situation impossible car l'enfant héritera du statut de sa mère, celui d'esclave. Oroonoko incite alors les esclaves africains à la révolte mais, de nouveau trahi par des Européens, il est exécuté.
Rapacité. Une direction possible pour analyser Oroonoko serait d'insister sur la personnalité d'Aphra Behn, femme libre et écrivain professionnel précoce, et de réfléchir sur le parallèle entre le statut d'esclave et la condition féminine, «marqués par leur double nature de chose possédée et d'être humain».