Comment écrire sur un recueil d'aphorismes et de pensées ? Ces fragments ont mauvaise réputation. Déjà, au XVIIIe siècle, le prince de Ligne estimait que «les aphorismes disent presque tous des choses communes, ou fausses, ou énigmatiques». Tout est dans le «presque tous».
Heureusement, il y a Cioran. Mais comment rendre compte quand même du superbe livre de Sylvain Tesson sobrement intitulé Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages ? Peut-être en rappelant que ce Tesson-là est un grand voyageur qui, le soir au bivouac, fixe les nuages sur son calepin. En plus de ses gros récits époustouflants (il refit, à pied, le chemin des évadés du goulag, de la Sibérie à l'Inde !), il jette sur le papier des capsules de pensée soigneusement arrondies. Le résultat est comme la fumée des feux de camp, belle et éphémère en apparence. Fragile mais odorante.
Morceaux de haïkus («La mouette est un éclat de rire, habillé de blanc, qui se moque de la gravité»), définitions cruciverbistes pour une grille imaginaire («Falaise : la mer au pied du mur»), titres pour des livres jamais écrits, choses vues («Le tapis des toundras séchait sur le fil de l'horizon»).
Il existe des recueils asiatiques intitulés «propos et anecdotes», Tao ou goût du zen, auxquels ce livre fait songer. Un mélange de Li Po et de calembours à la Blondin («Vin : le fruit est dans le verre»), de Bashô et de Jules Renard («Géraniums au balcon : pour cacher qu'il ne se pas