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Libération
Critique

Baguette tragique à Pont-Saint-Esprit

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publié le 29 mai 2008 à 3h39

Un homme est poursuivi par une fleur cannibale et grimaçante et un autre a les entrailles dévorées par un serpent. Une femme crie : «Attention docteur, mon coeur est en train de descendre, aidez-moi à le rattraper», une autre se prend pour une torche enflammée, elle voit des tourbillons de couleurs et des boules de feu qui explosent. On dirait un tableau de Bosch ou un mauvais trip au LSD. C'est juste un moment dans la «nuit de l'apocalypse» que nous raconte Steven Kaplan, la nuit du 24 août 1951, où des habitants de Pont-Saint-Esprit dans le Gard ont été pris de terrifiantes hallucinations qui ont duré des semaines. Kaplan aime la France, son pain, son histoire. Il est américain et historien ; depuis quarante ans, il étudie l'histoire des grains, des farines et du pain dans notre pays. Il fréquente moulins et fournils, il a même appris à pétrir. «Il me semblait inconcevable d'écrire sur le métier sans avoir mis la main à la pâte.»

«Polar». Cette fois, il s'est intéressé au «pain maudit», une incroyable histoire d'intoxication mortelle en plein milieu du XXe siècle, qui a ramené toute une région à des maladies, des peurs, des fantasmes et des comportements collectifs qu'on croyait disparus depuis le Moyen Age. En août 1951, à Pont-Saint-Esprit, 300 habitants tombent malades, trente sont internés en hôpital psychiatrique, sept mourront. Tous ont mangé un pain toxique, empoisonné, mais par quoi ? Quand, il y a huit ans, Kaplan découvre ce fait-divers