Le néolibéralisme n'est pas jailli de nulle part. Lorsque des historiens tentent d'en remonter le fil, ils évoquent souvent le «colloque Lippmann», du nom de l'intellectuel américain Walter Lippmann. Réunissant des économistes de renom, cette conférence aurait posé, dès 1938, les bases de la future «révolution conservatrice». Le philosophe Serge Audier, qui en publie le texte intégral, fait la part de la réalité et du mythe.
«Walter Lippmann était un journaliste américain, fondateur de la revue de gauche New Republic, qui devait défendre des idées proches du New Deal. Il est aussi l'auteur d'essais sur l'opinion publique qui expriment un certain scepticisme sur la compétence des masses. En 1937, il publie la Cité Libre,plaidoyer pour les idées libérales, qui contient toutefois un réquisitoire contre le capitalisme et le libéralisme historique, auxquels il reproche une idéologie erronée du "laisser-faire" et une indifférence coupable envers les inégalités. Selon Lippmann, les impasses du libéralisme historique ont poussé les masses vers le collectivisme. Dans son plaidoyer pour le marché, il dénonce les inégalités de la société américaine, l'égoïsme des riches, les monopoles. Il demande la fin des "gros héritages", exige de fortes taxes sur les successions et un impôt progressif très lourd sur les gros revenus pour financer des dépenses publiques : formation, santé, environnement.
«La Cité libre est traduit en français dès 1938 et s'inscrit dans le