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Libération
Critique

Les ombres reportées de Jean-Christophe Bailly

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publié le 29 mai 2008 à 3h39

L'Instant et son ombre n'est pas un livre facile, mais Jean-Christophe Bailly aide son lecteur à passer le gué lorsqu'un passage se complique grâce à une écriture en spirales très musicale. Il n'est pas si aisé d'enjamber un siècle en trois photographies, dont la plus lointaine, une meule de foin sous le soleil de la campagne britannique, lui fend le coeur lorsqu'il l'achète en carte postale au musée Niépce de Chalon-sur-Saône. Commence alors une ronde solitaire autour de cette reproduction signée de William Henry Fox Talbot, inventeur du calotype, et parue dans «le premier livre de photographies au monde», en 1844, The Pencil of Nature.

Révélation. Dès le début, Bailly donne la clef de son éblouissement. Cette banale meule de foin (The Haystack), sur laquelle s'appuie une échelle et son ombre, a fait surgir, comme dans «un montage spontané», deux autres clichés pris au Japon, à Hiroshima et à Nagasaki, peu après l'explosion de la bombe atomique. Le plus saisissant, dès cette révélation - et comme les trois images sont reproduites, tout est clair -, est la manière dont l'auteur s'approprie physiquement cette meule à bras-le-corps, la replace dans son époque, convoque Platon, Monet et Walter Benjamin, bref, l'enrichit d'une spiritualité qui laisse baba. Tout le film défile clairement, nous voici à côté de Fox Talbot, le félicitant d'avoir archivé pour notre futur cette charmante scène champêtre.

Ce n'est pas facile de décrire une photographie,