François Mauriac, qui avait pourtant inventé Thérèse Desqueyroux, une femme destinée à lui survivre, constatait que les écrivains, désormais, étaient plus connus que leurs personnages (entretien dans The Paris Review en 1953). Dans le cas de Françoise Sagan, il est indéniable qu'elle a supplanté sans effort héros et héroïnes de ses propres romans. Qui pourrait nommer de mémoire les figures de Josée, Diane, Bernard, Bertrand, ou Raymond et Cécile, la fille et son père de Bonjour tristesse, ou même Dorothy Seymour (le Garde du coeur), dont le patronyme était un hommage à Salinger ?
Les créatures de Sagan ont un statut flou, mais Sagan est unique, follement romanesque, une star. Ses articles, les entretiens qu'elle a accordés ou recueillis, les images qu'on a d'elle, sa voix, transforment en icône celle qui n'a cessé d'afficher une simplicité toute païenne. Cette simplicité était si sympathique, si décapante, elle n'a fait que nourrir le culte, et, le temps passant, a élevé un «charmant monstre» au rang d'idole vénérable. Sagan, c'est Barbara, c'est la Callas. Comparaisons idiotes. Sagan, c'est Sagan. La voilà bientôt au cinéma, dans un film de Diane Kurys, interprétée par Sylvie Testud. Récemment, Annick Geille (Un amour de Sagan) et Marie-Dominique Lelièvre (Sagan à toute allure) l'ont racontée. On se précipitera sur les ravissants «carnets» des éditions de l'Herne, recueil d'interventions de l'auteur hors fiction (Au cinéma,