L'occupation militaire de l'Irak par les Etats-Unis avait pour prétexte l'existence supposée d'armes de destruction massive. Explication fallacieuse, on le sait, mais pour beaucoup d'Américains, un autre objectif justifiait l'intervention : remplacer une dictature par une démocratie à l'occidentale.
Cette idée d'«exporter la liberté» est ancienne, montre Luciano Canfora, un antiquisant italien depuis longtemps soucieux d'intervenir dans les débats d'aujourd'hui. Sa thèse est que derrière l'affichage de principes généreux sur la liberté des peuples ou la démocratie se dissimule le plus souvent la défense d'intérêts impérialistes.
«Missionnaires». C'est au nom de la «liberté des Grecs» contre l'envahisseur perse, lors des guerres médiques, qu'Athènes a fédéré une alliance vite muée en empire, la flotte athénienne se chargeant de réprimer les velléités d'indépendance de ses «alliés» et d'y imposer au pouvoir les factions populaires. Et c'est au nom de la même «liberté des Grecs» que Sparte a combattu pendant presque trente ans sa rivale de l'Attique. Dans des termes différents, la même question se pose avec la Révolution française quand, en avril 1792, le «parti de la guerre» dirigé par les Girondins ouvrit les hostilités contre les Habsbourgs. Robespierre s'opposa à ce choix pour ne pas mettre en péril la Révolution et surtout par hostilité à l'idée que l'on pouvait «exporter la liberté». «La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d'un politique, écrit-il,