Thierry Galibert La bestialité Sulliver, 576 pp., 33 €
Il n'est question, ici, ni d'amis des bêtes, ni de bêtes amies des hommes. Pas plus que d'exactions féroces, qu'on préfère déraciner de l'humanité et attribuer à l'animalité - alors qu'aucun animal n'agit jamais de façon «bestiale». Ni «rechutes» en ces états sauvages où se trouvait l'espèce humaine avant que Raison lui fût donnée. Encore moins d'accouplements peu naturels avec chiens ou ânesses. Aussi ne comprend-on pas tout de suite pourquoi l'imposant essai de Thierry Galibert, professeur de littérature française à l'université Aix-Marseille (1), s'intitule la Bestialité. Il dit expressément être consacré à la «maladie de l'intelligence», ce qui, au lieu de la bestialité, fait entrevoir la bêtise. Mais cette maladie-là est celle d'Antonin Artaud, qui en fut «le plus grand pourfendeur et la victime la plus emblématique» : elle n'est donc ni bêtise ni bestialité, sauf à considérer imprudemment que la folie y conduit, ou, mieux, à donner à bestialité un sens particulier que seul Nietzsche, peut-être, a entendu, et auquel Galibert donne une extension et une profondeur inouïes.
La Bestialité a l'air d'être un livre sur Antonin Artaud. D'Artaud, dont la souffrance physique et psychique sera le lot quotidien - «aussi loin que je plonge dans le souvenir de moi, mes muscles, mes nerfs, mon sang sont un calvaire, mon squelette un billot, un étal, un échafaud» - Galibert n'ignore rien : pas un