Si André Breton sait raconter ses souvenirs, c’est parce qu’ils sont toujours devant lui. Le quatrième tome de ses œuvres complètes (1) réunit les textes publiés de 1954 à sa mort, en 1966, et conclut cette orgueilleuse perspective de ton et de vie. On y trouve les derniers écrits sur l’art : L’Art magique (1957), les poèmes en prose de Constellations accompagnant les œuvres homonymes de Joan Miro (1959), la troisième édition du Surréalisme et la Peinture (1965). Le recueil Perspective cavalière (publié en 1970) et quelques autres plus brefs, des inédits, poèmes, déclarations ou récits de rêves, rassemblent des textes de circonstance - mais, chez Breton, les circonstances ne servent jamais à se disperser : il les saisit, comme les œuvres, pour intervenir et rappeler le sens du combat surréaliste. Il demeure jusqu’à la fin, selon l’expression des responsables de cette édition, dans «la solennité des révélations».
Son instinct plein de sérieux ne lui évite pas les incongruités, parfois charmantes (apparition de la morne figure de Poincaré au milieu d’un texte sur la peinture moderne). Son style médaillé provoque à l’occasion les ricanements de la volaille des lettres : au moins n’accepte-t-il jamais, lui, les médailles des autres. Sa conscience est partout, dans le moindre mot : «La conscience, écrit-il en 1958 pour soutenir en pleine guerre d’Algérie ses objecteurs, c’est cette force individualiste, oui, par excellence libert