Ce croyant a toujours détesté les vérités inoxydables. «Les gens qui ont des certitudes sont sûrs de se coucher le soir aussi cons qu'ils se sont levés le matin», ironise Lucien Jerphagnon, qui aime à citer Guillaume de Baskerville, le héros du Nom de la rose, le roman médiéval d'Umberto Eco qu'il a lu et relu : «Le diable, c'est la foi sans sourire qui n'est jamais effleurée par le doute.» Rien de surprenant à son empathie pour l'empereur Julien malgré ses errements : «Son drame est ne pas avoir rencontré le Christ mais des chrétiens.»
«Hybride». L'esprit toujours aussi acéré à 87 ans, Lucien Jerphagnon vit à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) dans un appartement plein de livres donnant sur un jardin plein de chats. Il n'aime pas se prendre au sérieux et il se revendique comme «une bête hybride, mi-philosophe, mi-historien». Une rareté dans l'Université française. «L'historien a un effet positif sur le philosophe, qui trop souvent ne respire que des concepts, et le philosophe incite l'historien à aller au-delà des batailles ou du prix du blé pour se balader dans l'air d'une époque», dit cet érudit joyeux et volontiers sarcastique, plutôt content d'avoir ainsi réussi à «n'être jamais inféodé à aucun isme». Ses ouvrages d'histoire, devenus des classiques, comme les Divins Césars («Idéologie et pouvoir dans la Rome impériale»), sont aussi nombreux que ceux qu'il a consacrés à la pensée antique et médiévale, comme les Dieux et les mots. Ou ceu