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Libération
Critique

Terre des ombres, route des hommes

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publié le 13 juin 2008 à 3h51

Pourquoi les travelwriters britanniques d'aujourd'hui ont-ils d'emblée un charme, un humour, une apesanteur, même au fond des précipices, et, pour tout dire, un style que l'on ne trouve que rarement chez leurs confrères francophones ? Peut-être parce que les premiers sont des écrivains qui voyagent - comme le furent à leur époque Nerval, Gautier, Dumas, Chateaubriand et bien d'autres - quand les seconds sont essentiellement des voyageurs qui écrivent.

Avec Colin Thubron, dès les premières pages, on sait que le voyage sera autant littéraire qu'aventureux : «[.] Suivre la route de la soie, c'est suivre un fantôme. Elle a beau couler à travers le coeur de l'Asie, elle a officiellement disparu, laissant derrière elle le tracé de sa turbulence : frontières de contrefaçon, peuples non répertoriés. La route se divise et part se balader là où vous êtes. Ce n'est pas une voie unique mais multiple : un réseau de possibles. La mienne s'étire sur plus de onze mille kilomètres et peut se révéler dangereuse.»

Migrants. Onze mille kilomètres d'est en ouest, depuis la tombe mythique de l'Empereur jaune, qui régna vers 2 580 avant J.-C. et dont la femme, l'impératrice Lei-tzu, prétend la légende, découvrit le vers à soie. Un voyage où notre écrivain se mêle avec les anonymes des pistes, les migrants, les paumés des chemins, les trafiquants, ceux que les flics rudoient et qui n'ont d'autres bagages que leur volonté de survivre. Il couche dans leurs auberges pouilleuses, avance à l