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Libération
Critique

Carnets de guerra

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publié le 19 juin 2008 à 3h56

L'écrivain est celui qui reste quand les autres sont partis. Nieve Guerra grandit et tient ce journal à Cuba dans les années de plomb, de 1978 à 1990. Les eaux entourent l'île et les espoirs l'abandonnent, comme un corps sous la saignée. Le père, un homme de théâtre ivrogne et violent, récupère sa fille par procès, la maltraite et rejoint Miami. Le beau-père, un ingénieur suédois plutôt jovial, doit regagner son pays. Le premier homme avec qui elle vit, un peintre reconnu, s'exile à Paris. Bref, comme l'annonce le titre, tout le monde s'en va. Sauf sa mère, d'une splendeur lunatique - mais dans quel état ? A 17 ans, insensibilisée par le vide, Nieve écrit : «Chez moi, les affections durent un temps limité, si elles ne sont pas nourries je les perds. Je ne fais confiance à personne. C'est comme ça que j'ai été élevée et c'est comme ça que je suis.»

Exode.La première partie, dure, est le journal d'enfance. Elle s'achève le 25 juin 1980 par une visite du peintre Wilfredo Lam, soumis au pouvoir dans un fauteuil roulant. Deux mois plus tôt, Nieve a vu passer le premier exode : squat par des milliers d'exilés de l'ambassade du Pérou, sortie des relaps sous les insultes et les oeufs par le port de Mariel. La seconde partie finit sans date sur une «Vérification et confession». Le mur de Berlin est tombé, l'affaire Ochoa a eu lieu et la narratrice écrit : «Je suis toujours vivante, je suis une neige sur de la neige.»

Pourquoi l'avoir baptisée Nieve dans un pays où