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Libération
Critique

Verres et revers de Manto

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publié le 3 juillet 2008 à 4h09

Manto fait partie de ces écrivains ultra-célèbres dans une partie du monde et quasi inconnus partout ailleurs. Dans tout le sous-continent indien, Saadat Hasan Manto est considéré comme le plus grand nouvelliste en ourdou et peut-être le plus grand nouvelliste indien. L'ourdou est la langue des musulmans du nord de l'Inde et celle des Pakistanais, elle est très proche du hindi mais s'écrit en caractères arabes. Manto est né en 1912 dans une famille musulmane de Samral, dans le Penjab de l'Inde britannique, il est mort à Lahore (Pakistan), le foie détruit par l'alcool, à l'âge de 42 ans. Entre-temps, il a écrit des pages terribles sur les horreurs et les absurdités de la Partition, mais aussi des textes très intimes et très violents sur le sexe, l'alcool et l'hypocrisie sociale, ainsi que des portraits d'artistes, de marginaux, de déclassés, dont le ton fait parfois penser à Maupassant, parfois à D.H. Lawrence ou Joseph Roth.

Double vie.Fils d'un fonctionnaire de justice, Manto passe son enfance à Amritsar, il étudie à l'université d'Aligarh, haut lieu de la culture ourdoue, mais il reçoit surtout une éducation européenne classique, dont il tire une réelle fascination pour la littérature française et russe du XIXe. Il lit Gorki, Tchekhov, Pouchkine et Dostoïevski avec passion, Victor Hugo aussi, dont il traduira en ourdou le Dernier Jour d'un condamné, il a 21 ans, c'est son premier texte publié. Deux ans et quelques traductions plus tard, il commence à écrire nouvelle