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Tribu perdue

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Dans les pas d’un écrivain. Russel Banks, en Jamaïque, sur les traces de la communauté marron.
publié le 20 août 2008 à 4h40

Envoyée spéciale en Jamaïque Avant de prendre la route pour Moore Town, les Jamaïcains de Kingstown s’étaient fait un plaisir de nous prévenir : «Vous ne pouvez pas aller là-bas sans un Marron !» Ou plus alarmant, ce conseil de Ronald, descendant de Marron lui-même : «Si tu les entends dire « Aifana », cours, ça veut dire qu’ils veulent te découper à la machette.» Heureusement, un guide touristique avait fait retomber la tension : «En arrivant à Moore Town, demander simplement à parler au capitaine Smith.»

Enclaves inaccessibles. En février 1976, pour aller à Moore Town, un des trois villages marrons de l'île «blotti dans les vertèbres des Blue Mountains, qui s'élèvent à près de 2 500 mètres et innervent l'extrémité orientale», Russell Banks avait loué une Toyota jaune et cabossée. L'écrivain était alors en Jamaïque pour quelques mois «sous prétexte d'étudier les coutumes et les conditions de vie de [ce] peuple à l'état de vestige, descendant directement d'esclaves ayant échappé à leurs maîtres espagnols puis anglais, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, et qui par la suite, à partir de leurs enclaves inaccessibles dans la montagne, avaient mené avec succès une guérilla de cent ans contre les Britanniques». L'auteur du Livre de la Jamaïque était alors accompagné de Terron, un Marron vivant dans le village de Nyamkopong, à soixante kilomètres de Montego Bay dans l'est de l'île. De Terron, Bank