C'est l'histoire d'un couple qui ne s'aime plus. Avant, ils ne faisaient qu'un, maintenant, ils sont à nouveau deux. Peut-être que l'un a dit à l'autre : «Tu pourrais te mettre à ma place.» Ce qui est sûr, c'est que le livre commence comme ça. Un laid matin (un lundi), le héros se réveille à la place de sa femme, dans son corps. Il est un peu étonné d'abord, découvrant les cheveux de celle-ci sous sa joue alors qu'ils font chambre à part. Puis il ne trouve plus son pénis. Il a changé d'enveloppe. Pour faire bonne mesure, son épouse se lève dans son corps à lui. Ils crient, n'y croient pas, d'autant qu'ils avaient décidé de rompre durant le week-end : «Tu es elle et elle est toi. Pour une séparation, c'est raté.»
Glissement. On pense à Will Self pour le comique transgenre (Vice-versa), à Régis Jauffret pour les envies de meurtre en couple et la narration à la deuxième personne, au cubisme en général pour le double point de vue qui offre plein de phrases marrantes, du genre «ta femme gratte ta barbe» ou «tu marches dans le couloir avec ses seins à l'air». On pense aussi à Régis de Sá Moreira, puisque cet échange de corps était déjà arrivé dans Pas de temps à perdre, son premier roman, et que le glissement logique est un de ses tours favoris : où l'on se rend par exemple compte que tromper sa femme en étant dans son corps revient du coup un peu à se tromper soi-même. C'est que ce quatrième roman explore la belle spécularité du couple, où «toi» et «moi» ont beau être passé