Saša Stanišic est un long jeune homme brun de 30 ans, avec des oreilles décollées, des yeux noirs «en amande», comme Aleksandar, le petit garçon de son roman, le Soldat et le gramophone, décrit au moment où, tous deux en larmes, il promet à sa mère de «ne jamais arrêter de raconter». Son grand-père Slavko adoré est mort. Il venait de lui offrir un chapeau et une baguette de magicien. Saša Stanišic n’a pas eu ce grand-père idéal, avec qui parler de Tito, du comité local du Parti communiste et de pêche à la ligne. Il avait 5 ans lorsque le sien est mort, il ne reste de cette époque que la certitude de s’être aimés, et une photographie. Le petit-fils finit par ne plus savoir s’il se souvient de la photo ou réellement du moment où elle a été prise : son grand-père et lui dans un restaurant, on voit la Drina, le fleuve qui passe à Višegrad, ville du livre et des Stanišic, ville du romancier Ivo Andric dans le Pont sur la Drina. Dans le Soldat et le gramophone, en décollant les photos d’un album, le jeune Aleksandar tombe sur son autre grand-père, le père de sa mère, celui dont les histoires n’ont pas transmis la mémoire, un «océan de tristesse» qui s’est noyé dans la Drina et dans l’alcool. La famille maternelle est bosniaque, la famille paternelle est serbe. Il était une fois la Yougoslavie. «Traces».«J’ai aujourd’hui deux patries», dit Saša Stanišic, qui a un passeport bosniaque et a déposé une demande de nationalité allemande. «L’une des deux existe surtout à l’état de sou
Critique
Jadis et la guerre
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publié le 28 août 2008 à 4h46
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