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Libération
Critique

Un Ford dans le rétroviseur

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publié le 28 août 2008 à 4h46

Quels liens unissent un romancier à son émissaire romanesque ? Le second est-il un double, un ami, un frère, un reflet, un fantôme, un révélateur, un contradicteur, un éclaireur du premier ? De quelle manière la vie de l’un réfléchit-elle la conscience de l’autre ? Chaque roman est aussi écrit pour qu’on se pose la question sans y trouver de réponse : le premier lien qui unit l’un à l’autre, et qui les justifie tous deux, c’est la liberté.

«Regret». Frank Bascombe a environ le même âge que Richard Ford, né en 1944. Il a d’abord été écrivain, mais quand il est apparu, en 1986, dans Un week-end dans le Michigan, il ne l’était déjà plus. Il était journaliste sportif. Il avait 38 ans et il était déjà divorcé. Bientôt, il allait devenir agent immobilier. De ses trois enfants, l’un était mort à 9 ans. On lisait dès la seconde page cette remarque : «Pour que la vie ait une valeur, il faut tôt ou tard s’exposer à un regret terrible, déchirant. Mais il faut aussi s’arranger pour l’éviter, sinon votre vie en sera irrémédiablement brisée.» Elle résumait l’esprit du livre, mais aussi la suite des aventures middle-class de Frank, dans Indépendance (1995) et, aujourd’hui, l’Etat des lieux.

Frank Bascombe a désormais 55 ans. La femme qu’on avait connue dans Indépendance l’a également quitté (elle reviendra peut-être). Toujours agent immobilier dans le New Jersey, il commence à enterrer de vieux amis et il a un cancer de la prostat