Un père dit à son fils : «Mon petit, ferme la porte. Il fait froid dehors.» Le fils demande : «Et si je la ferme, est-ce qu'il y fera chaud ?» Ou encore : «Dans un compartiment, un enfant empêche tout le monde de dormir en répétant qu'il a soif. Pour le faire taire, un homme lui cherche un verre d'eau. L'enfant passe alors la nuit à dire : "Qu'est-ce que j'avais soif !"» Ce sont les deux histoires qui viennent à l'esprit d'Elie Wiesel lorsqu'on lui propose de définir l'humour juif. Deux blagues qui ne font pas éclater de rire, mais qui ne prennent pas l'autre pour cible, et qui le concernent intimement. Est-ce que lorsqu'on ferme la porte aux horreurs du monde, elles cessent d'exister, pour peu qu'on ne les voie plus ? Et pour la deuxième : «On ne change jamais d'obsession. Qui ne peut pas être soulagée.»
Elie Wiesel commence l'entretien par une série de questions. Son attention aux autres n'a rien de factice. Alors qu'on s'attendait à ce qu'il déroule sa tumultueuse vie tranquillement, on passe tout de suite aux interrogations sans réponse immédiate. Comment définir la judaïté aujourd'hui ? Est-ce qu'être juif change de signification, non seulement selon les gens, mais selon les époques ? Comment et par qui se transmet la judaïté lorsqu'on est athée ? Une bar-mitsva laïque est-t-elle une contradiction dans les termes ou une possibilité de ne pas rompre avec une culture ? Elie Wiesel, prix Nobel de la paix en 1986, répond qu'il n'est pas ra