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Libération
Critique

Charonne et les vautours

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publié le 4 septembre 2008 à 4h52

Charonne est une station de métro où il y a eu huit morts, c’est aussi le nom d’une fille du feu et «les filles du feu ne mentent jamais». On ne sait pas d’où elle vient, elle non plus. C’est peut-être pour ça qu’elle dit tout ce qu’elle pense. Livrée à son aventure, elle ne vit que pour crever les canapés où l’on bavarde et les idées qu’on a reçues. Ah, n’oublions pas : sans qu’on sache pourquoi, comme sa tante en a, on peut l’appeler son père puisque c’est lui, et sa mère l’a successivement excisée, infibulée, torturée, gavée, pincée, pétrie, etc. Avoir subi tant d’avanies n’en fait ni une Ethiopienne, ni une oie, ni du bon pain, ni même rien qu’une victime - même si ceux qui la croisent ont tendance à le lui demander. Elle leur répond généralement en hurlant. C’est qu’elle préfère être aimée pour sa force plutôt que pour sa faiblesse. Elle a raison, ça s’arrangera : son clitoris repoussera, elle aura un fils, le père mourra, les parents disparaîtront, les romans vous disent merde et font parfois des miracles.

«Pitié».Charonne a 20 ans, elle est métisse, presque noire, énorme. C'est elle qui raconte : comme les phrases de l'écrivain, «mes fesses sont deux chimères insaisissables toujours prêtes à bondir et à se cabrer, quand la mode vestimentaire n'accepte que les fesses calibrées et domptées d'avance». Lorsqu'elle se décroche la mandibule, elle préfère porter un hijab à motif léopard, une autre façon d'avoir l'air d'une idiote et d'un mo