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Libération

Léopoldine sauvée des os

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publié le 4 septembre 2008 à 4h52

Des mains complices sont allées sous les combles chercher la boîte de carton gris. Elles l'ont posée sur une grande table en bois, l'ont ouverte comme on ouvre un ciboire, ont ôté le papier de soie qui en protège le contenu. Alors, nous vîmes apparaître deux morceaux de toile de laine à petits carreaux mauves. Et, quand l'étoffe fut dépliée sur le bois, nous pûmes enfin la toucher, l'étreindre. L'objet est arrivé à Paris, dans la maison de Victor Hugo, place des Vosges, en avril 1943. Il était glissé dans une housse à gants à laquelle était attaché ce petit mot : «Costume avec lequel ma fille est morte : relique sacrée.» C'est la robe que portait Léopoldine Hugo, le 4 septembre 1843, lorsqu'elle s'est noyée dans la Seine avec son mari, Charles Vacquerie, en amont du village de Villequier. «C'était en septembre, elle avait mis la robe mauve / Dont se parent les sirènes avant qu'elles se sauvent», a chanté le lyrique Auguste de Châtillon.

Or, voilà qu'un tartarin d'Arles, où il tient un hôtel, vient de se découvrir une lointaine parenté avec Léopoldine : il serait le petit-fils d'un des neveux de Charles Vacquerie. Cet homme a donc fait le voyage de Villequier pour se pencher sur l'attendrissante tombe de Léopoldine et Charles, près de celles de Mme Victor Hugo et d'autres membres de la famille Vacquerie. Ce sont de jolies sépultures un peu défraîchies, dans un petit cimetière qui surplombe la Seine. C'est charmant, intime : rien à voir avec la réfrigérante crypte