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critique livre

Munro vies nouvelles

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Préférence. Canadienne, banale et exceptionnelle comme une femme de «Fugitives».
publié le 4 septembre 2008 à 4h52

Le nouveau recueil de la merveilleuse Alice Munro s’appelle Fugitives, parce que les héroïnes de ces nouvelles ne vont pas se laisser dévorer par leur famille, elles se battent, elles partent. Et si elles doivent revenir à leur point de départ, reprendre le joug de leur condition, de toute façon rien ne sera jamais comme avant.

Rencontrer un inconnu dans le train, prendre l'habitude de voir une pièce de Shakespeare chaque été, se promener en voiture avec le frère de son fiancé, cela n'a l'air de rien, mais pour la jeune enseignante, l'infirmière, ou la serveuse orpheline à qui cela arrive, les conséquences sont des cataclysmes en chaîne. L'homme rêvé, attendu, est chaque fois au rendez-vous, pour le meilleur ou pour le pire. Ces histoires, vastes comme des destins, couvrent plusieurs décennies, de 1927 à l'apparition d'Internet ; pour chaque personnage la confrontation reste cependant la même, entre «l'idée qu'elle se faisait à l'époque de ce que devraient être les relations sexuelles, de la manière dont elle les imaginait», et le souvenir qu'elle en a.

Nuance.Attention, les nouvelles d'Alice Munro sont gorgées de désir, mais elles ne se promènent pas toutes nues. Elles sont d'autant plus bouleversantes qu'une tranquille main de fer les tient en deçà du dévergondage. A partir de quoi aucune nuance du coeur n'échappe à l'auteur. Une de ses consoeurs, Cynthia Ozick, l'a bien dit : «Elle est notre Tchekhov et survivra à la plupart de ses contemporains.»

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