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Libération
Critique

Propriétés des affectés

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publié le 4 septembre 2008 à 4h52

Etre snob, ce n'est pas bien. Mais être snobé est pire. L'excellence, même factice ou acquise par mille sophistications, vaut mieux que le miséreux isolement. Faut-il donc se contenter d'être au milieu, c'est-à-dire ne pas être snob ? Ce n'est pas simple, car en affectant de ne pas l'être, on l'est déjà un peu. Et, surtout, à n'être pas membre du Jockey Club, à ignorer que la cravate en twill se fait faire chez Marinella, à se voir refuser une table chez Lipp ou au Mezzaluna de Bangkok, à n'avoir jamais goûté un romanée-conti, à ne pratiquer ni hockey sur gazon, ni cricket, ni polo, à ne connaître aucun cercle exclusif, à ne point se baigner dans la piscine de l'Automobile Club, sous la place de la Concorde, à skier à La Plagne plutôt qu'à Aspen, à rouler en Vélib' et non «sur son Batavia bien à soi (ou sur un vélo Chanel à neuf mille euros)», à ne compter en aucune occasion parmi les happy few, on risque de paraître «moyen» - et un peu plouc, aux yeux des snobs.

Eviter le snobisme est assez aisé : il faut être comme tout le monde (mais sans le faire exprès : il est chic de prendre le métro et se mêler au peuple après avoir confié sa Maserati au voiturier du Ritz). Le pratiquer est plus compliqué. Qu'il relève de l'état d'esprit ou de la pose, il exige toujours un travail, et, comme tel, s'expose à des accidents : susciter le rire du «vulgaire», dont il veut se distancier, et le mépris du «noble», qu'il veut imiter. Etre snob ressortit pourtant d'un plais