Menu
Libération
Critique

Bourdieu la guerre et l'appelé

Article réservé aux abonnés
publié le 11 septembre 2008 à 4h58

En octobre 1955, un jeune homme, normalien, agrégé de philosophie, préparant une thèse sur la phénoménologie de Husserl, débarque en Algérie. Il ne connaît rien de la colonie française et bien peu de choses de la sociologie. En 1958, il publie son premier livre, un «Que sais-je ?» : Sociologie de l'Algérie. Trois ans ont suffi à faire naître un ethnologue avide d'enquêtes, un analyste des pratiques sociales, un fouilleur de statistiques. Bourdieu est devenu Bourdieu : adieu Husserl, adieu la phénoménologie ! «Une conversion de toute la personne», écrira-t-il dans un article de 2003. Oui, mais pourquoi la sociologie ? Et pourquoi l'Algérie ?

«Somme». Esquisses algériennes réunit dix-sept articles publiés par Pierre Bourdieu dans diverses revues à différents moments de sa vie et devenus presque tous introuvables. Leur réunion permet de comprendre ce que la pensée du sociologue doit à cette période déterminante. Dans sa préface, Tassadit Yacine rappelle que le conflit fut pour une génération d'intellectuels le premier face-à-face avec l'exigence - et aussi les risques - de l'engagement politique. Mais la réaction de Bourdieu fut différente. Lui n'a pas de passé militant, ne devient pas «porteur de valises» (ainsi appelait-on les activistes qui aidèrent le FLN en France). Lorsqu'il est libéré des drapeaux, il reste à Alger. Prend des notes, sillonne le pays dans sa vieille Dauphine. A la rentrée 58, le voilà assistant en sociologie à l'université.

Dans un autr