Dans l'opinion publique française, la guerre d'Algérie fit un jour irruption en surplomb du décolleté de Gina Lollobrigida. C'était dans Paris Match, le 6 novembre 1954. «La vague terroriste a franchi la frontière de l'Algérie», titrait l'hebdomadaire au lendemain des premiers attentats commis par le FLN. Paris Match consacrait sa une à l'actrice italienne - elle venait de jouer dans Plus fort que le diable de John Huston.
Cette image, où s'entrechoquent l'insouciance de la vie et le drame de la guerre, sert de couverture à un livre peu ordinaire consacré aux «expériences métropolitaines de la guerre d'indépendance algérienne». C'est-à-dire à la guerre d'Algérie, comme on ne l'a jamais vue. Ou plutôt, d'où on ne l'a jamais observée. Cette France en guerre est scrutée depuis le plancher des vaches, dans les recoins de la France profonde.
Moisson. Tout l'intérêt du livre tient à sa méthode. Deux jeunes historiennes, Raphaëlle Branche, qui s'était illustrée par ses travaux sur la Torture et l'Armée (Gallimard 2001) et Sylvie Thénault, spécialiste des Magistrats dans la guerre d'Algérie (La Découverte 2001), ont dirigé une équipe de chercheurs provinciaux dans le cadre de l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP-CNRS). «Délaissant une analyse des décisions politiques parisiennes, se situant délibérément à côté des démarches de synthèse, l'ambition est de donner à voir ce que sont les expériences de la guerre au quotidi