Pourquoi donne-t-on un nom à son chat et pas à sa voiture - sauf si elle peine en côte : «Allez Titine !» - ni à son stylo ou son rhododendron ? Question oiseuse : en demandant pourquoi on les nomme, on les nomme déjà, on leur donne un nom, commun. Plus oiseux encore : pourquoi appelle-t-on son chat Minou ou Dookee, et pas Minou Dupont ou Dookee Durand ? Et pourquoi un nom propre retourne-t-il parfois à l'état commun, tels Voltaire qui se mue en fauteuil ou Pascal en unité de pression, et, s'il est universellement connu, perd-il son prénom, comme Shakespeare, Machiavel, Goethe ou Cervantès ?
Le nom n'a pas avant tout une fonction «indicatoire ou administrative», qui en fait un outil de repérage, sinon de fichage. Une conception «ontologisée» le voit au contraire dans une équivalence avec le nommé ou, si l'on veut, pose qu'il laisse transparaître un peu de l'être qu'il nomme, de sorte que, comme Platon le faisait dire à Cratyle, «connaître le nom» serait «connaître la chose». Cela n'est guère douteux pour certains mots, dits, par Charles S. Peirce, iconiques : tohu-bohu,craquer,siffler,meugler,patatras,hululer, etc. Mais qu'en est-il des noms propres ? Peut-on, là aussi, soutenir une position qu'on dira «néocratylienne» ? Assurément oui, répond François Dagognet dans les Noms et les Mots.
Suranné. Médecin et philosophe, disciple de Gaston Bachelard et de Georges Cangu