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Libération
Critique

Crêpe noir à la Chandler

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Préférence. Sixième roman du Salvadorien Horacio Castellanos Moya, qui suit la fin d’un ex-diplomate dans un taudis mexicain.
publié le 25 septembre 2008 à 9h02

En Amérique centrale, la mort marche sur la mémoire et les mots poussent dessous. De 1980 à 1992, une guerre civile au Salvador a produit 100 000 cadavres. Le parti aujourd'hui au pouvoir est celui qui organisa les plus grandes tueries. La capitale est inquiétée par des gangs et de nouveaux escadrons de la mort : là-bas, «le temps est une mauvaise plaisanterie». Qu'ils soient poètes ou romanciers, on y trouve d'excellents écrivains.

Intermédiaire.Dans ce sixième roman publié en France, Horacio Castellanos Moya raconte les derniers jours à Mexico, en 1994, de la vie d'un diplomate salvadorien au bout du rouleau. C'est lui qui, dans la première moitié du livre, ouvre sa conscience : on le voit agir, parler, sentir, se souvenir, penser, paniquer, boire bien sûr, tout sauf mourir. Alberto Aragón, dit le Poupon, a été guérillero dans sa jeunesse, puis brièvement ambassadeur du Salvador au Nicaragua. Lié à la junte, il change de camp au début de la guerre civile et part en exil. Quand la paix revient, on l'utilise comme intermédiaire entre la droite et les communistes : il y perd tout - réputation, argent, maison, soutiens. C'est cet homme de 65 ans qui finit dans un réduit appartenant à son ancienne bonne. Au rhum, il préfère la vodka. Un rêve lui rappelle ce qui lui rend depuis quinze ans la vie invivable : il a collaboré avec les militaires qui avaient commandité l'assassinat de son fils unique. On vole sa Rambler, ses valises, ses objets. Il devient paranoïaque et