Céline Minard avait déjà montré dans le Dernier Monde (Denoël) son attrait pour le modelage de la langue. Dans cette pâte sensitive et multiforme, elle avait écrit les plus belles pages de la transe de Jaume Roiq Stevens, astronaute de retour sur terre devenu seul dans l'univers. Elle change totalement d'échelle. Le territoire n'est plus géographiquement démesuré et luxuriant. Bastard Battle se cantonne à un mouchoir de poche, Chaumont et ses environs en 1437, une contrée grouillante de malfrats.
«Terreur adorée». Ce court roman après l'opulence du précédent est un défi langagier. Il est écrit dans une sorte d'ancien français, tourné dans des consonances propres à François Villon ou Rabelais. Une langue abrupte et âpre, dénuée de circonvolutions et de génuflexions, qui exsude la violence des corps et de la mort. Quelques mots d'anglais, voire d'espagnol ou de chinois, ne déparent pas. Pour l'auteur, il s'agit de confronter les styles narratifs de deux époques. La leur et la nôtre. D'où ce titre hybride. L'histoire ne l'est pas moins.
Le lecteur a en main un bréviaire rédigé par un illustrateur et copiste, copieux alcoolique à ses heures, Denysot-le-Clerc, dit le Hachis et Spencer Five, «quasi moyne par destin». L'homme se trouve là lors de la prise de Chaumont par le bastard Aligot de Bourbon dans la terreur et le sang. Il narre par le menu les diableries des coquillards, bande de brigands qui sévissait en Bourgogne au Moyen-Age. Le conquérant et ses écorc