L
e temps est au cœur de vos récits. Vous avez vous-même un rapport particulier au temps de l’écriture : vous dictez vos livres.
Je passe chaque mois d’août à travailler intensivement. Je suis installé dans une banale chaise longue de plage, qui est devenue un vieil objet branlant, sur un petit balcon à Rome. De huit heures du matin jusqu’à cinq ou six heures du soir, je dicte à ma compagne. Sans rien voir du texte, dans une sorte d’immatérialité de l’écriture. J’écris sans inscrire. Pas de travail de la main, je suis entièrement dans mes pensées, dans le texte en train de venir. C’est seulement à la fin de la journée que j’ai besoin qu’il redevienne de l’image, un système de signes noir sur blanc, que j’imprime et qui en quelque sorte me fait l’effet d’une photo qui se révèle, une photo que j’aurais prise tout au long de la journée. Là me viennent des désirs d’améliorations, je note quelques corrections, mais je les laisse pour plus tard. Pour moi l’essentiel s’est joué dans cette sorte de projection aérienne, orale, de la dictée. A la fin d’août, si je sais que je tiens le livre, qu’il est vraiment là, il me reste à le finir la nuit et durant les week-ends, jusqu’au moment de le rendre à l’éditeur.
Comment reprenez-vous le fil du récit d’un jour sur l’autre ?
Je ne sais jamais où je vais quand je m'engage dans un livre. Et, d'un jour à l'autre, je me lance, je me jette à l'eau. La personne à qui je dicte me donne son temps, une disponibilité que je ne peux pas malmener. Je ne peux pas dire «Aujourd'hui je ne suis pas en forme» ou «J'ai envie de sortir prendre un café». Non, il faut y aller. Mes phrases sont parfois longues parce que c'est un même