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Libération

Feuilles d’automne

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publié le 23 octobre 2008 à 6h51
(mis à jour le 23 octobre 2008 à 6h51)

Dans la matinée du jeudi 16 octobre, une voiture est arrivée rue de Richelieu à Paris avec, à son bord, les précieux cartons. A 14 h 30, les actes officiels étaient signés. A 18 heures, Bruno Racine, président de la BNF, prenait la parole devant quelques dizaines de personnes pour leur assurer que son établissement «veillerait religieusement» sur les manuscrits qui venaient de lui être confiés. Julien Gracq (1910-2007) n'en demandait sans doute pas tant.

A vrai dire, l'idée même de confier ses carnets et cahiers à la Bibliothèque nationale n'avait jamais emballé l'écrivain, nous rappelait son exécutrice testamentaire, Bernhild Boie. «Montrer ses manuscrits et ses corrections, c'est "montrer soi inférieur".» Et imaginer les vautours de la critique génétique accourant becqueter vos petits papiers n'a rien de réjouissant. Oui mais voilà : Gracq s'est laissé convaincre, et s'étend désormais devant nous un lac de 15 000 pages soit très propres (la mise au net du Château d'Argol ressemble à un cahier de CM2), soit raturées de façon quasi proustienne (le brouillon de la Littérature à l'estomac est à peine lisible).

Plusieurs centaines de ces pages correspondent à un récit inachevé dont pas moins de trois versions différentes ont été écrites entre 1953 et 1956, c'est-à-dire entre le Rivage des Syrtes et Un balcon en forêt, avant d'être abandonnées à leur désolante incomplétude. Ce récit sera-t-il publié un jour ? Bernhild Boie nous