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Libération
Critique

Le dégoût du saké

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Préférence. D’histoires gigognes en histoires gigognes, Bernardo Carvalho voyage de São Paulo à Osaka. Au cœur, un criminel de guerre japonais en fuite.
publié le 23 octobre 2008 à 6h51
(mis à jour le 23 octobre 2008 à 6h51)

Quand le soleil se couche à São Paulo, il se lève à Osaka. Ce n'est pas une raison pour dormir, semblent répondre les personnages de Bernardo Carvalho. Ils avancent masqués, comme des créatures rêvées, comme sur une scène de théâtre japonais. Le roman qu'on va lire et qu'ils racontent, écrivent ou lisent, les démasque peu à peu. Il rayonne sur eux comme le soleil sur l'empire de Charles Quint, sans jamais se coucher. Sa dure vérité, ou plutôt son mouvement, s'élève sur leurs mensonges, choses avec lesquelles on n'en finit jamais, que ce soit au Japon, au Brésil ou ailleurs : «Ce sont les autres qui racontent les histoires», ce sont leurs mensonges qui nous font vivre, et c'est leur disparition qui nous tue.

«Cités inamicales». Le roman qu'on lit est écrit par un chômeur brésilien d'âge indéterminé. Ses arrière-grands-parents étaient japonais, humiliés au Japon, humiliés dans l'exil. Sa femme l'a quitté. Naguère, il a voulu être écrivain, mais ça n'a pas marché, ce qui n'est peut-être pas un mal, puisque : 1) «Au fond, je suis un moraliste. Le monde en est rempli. C'est un malheur lorsqu'ils deviennent écrivains. Ils sont toujours prêts à émettre une opinion sur tout.» 2) «Le meilleur écrivain est toujours celui qui n'a rien écrit», lui dit, sur le ton de «Un bon Indien est un Indien mort», une vieille Japonaise qui va lui raconter sa vie pour qu'il l'écrive. Elle disparaît brusquement après trois rencontres, le laissant furieux et frustré. Cette