Du haut en bas de l'échelle sociale, du roi au plus humble des paysans, les sociétés de l'Europe ancienne sont dominées par les phénomènes de crédit. Les historiens ont établi ce constat depuis longtemps, soulignant que le crédit n'est en rien une caractéristique exclusive des sociétés contemporaines. La nouveauté des dernières années est que l'historiographie a mis en lumière la dimension sociale que revêt l'acte de prêter ou d'emprunter. L'accumulation des intérêts empêche bien souvent l'emprunteur de rembourser ses dettes qui deviennent le fondement d'une relation interpersonnelle, en particulier à la campagne. «L'étonnant, explique Laurence Fontaine, n'est pas le nombre de vagabonds et de mendiants mais plutôt celui des hommes et des femmes qui, bien qu'endettés au-delà de la valeur de leurs biens, ne sont pas pour autant chassés de leurs villages.» En contrepartie du lien de dépendance, toujours plus fort à mesure que se pérennise la dette, le créancier s'engage implicitement à ne pas mettre fin au crédit, c'est-à-dire à assurer la survie de son débiteur. En transformant l'engagement économique en un engagement moral, cette culture de la dette transforme ainsi le débiteur en une sorte de protégé. Sans aucunement empêcher l'exploitation économique et la concentration des richesses, elle permet la perpétuation d'une société que la généralisation de l'endettement aurait fait exploser. Preuve en est l'usage qui peut être fait de la relation d'endettement d
Critique
L’Europe ancienne, intérêts bien compris
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publié le 7 novembre 2008 à 6h51
(mis à jour le 7 novembre 2008 à 6h51)
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