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Libération

Mignonne, allons voir si l’Eros

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publié le 13 novembre 2008 à 6h52
(mis à jour le 13 novembre 2008 à 6h52)

Récemment Sœur Emmanuelle a laissé pour testament un livre dans lequel elle confesse qu'elle s'adonnait à la masturbation, preuve que… la sœur est manuelle, comme quiconque en matière d'éros si on le prive d'une vie sexuelle digne de ce nom. L'éros chrétien semble un oxymore tant l'un exclut l'autre. L'analyse de la construction de cet antiéros chrétien ne regorge pas d'historiens ou de philosophes. Michel Foucault aurait excellé dans cet art, mais il a travaillé sur l'antiquité gréco-latine. Peter Brown, le biographe de saint Augustin, a livré jadis une excellente analyse des cinq premiers siècles de notre ère avec le Renoncement à la chair.

Florence Colin-Goguel prend la suite et analyse la construction de cet éros chrétien de la période carolingienne au XVe siècle. Sous les auspices de Jean Delumeau, cette historienne de l'art qui fut l'élève de Jacques Le Goff et André Chastel, propose un superbe beau livre, comme on dit, qui associe l'analyse d'œuvres médiévales, leur reproduction bien sûr, la présentation de leur contexte, puis une lecture serrée et directe des grands moments qui jalonnent la fabrication du corps chrétien pendant ces dix siècles.

L'idéologie de l'Eglise se constitue lentement et péniblement, l'épistémè païenne est dure à cuire, et l'art accompagne cette cristallisation doctrinaire effectuée à coups de conciles. Dans cette configuration, l'art se présente pour ce qu'il a toujours été : le bras armé de l'idéol