La Langue chienne se déroule dans le Nord, autour d'une ville à vent et à bière baptisée Marquebuse. Le roman est naturellement dédié à un chien, celui de l'auteur. Charlie est un joyeux yorkshire, sensible et probablement fragile comme la plupart des dédicataires de sa race. Il rejoint les bras d'Hervé Prudon, 57 ans, au moment où celui-ci vous raccompagne, souriant, juvénile, froissé dans un corps de porcelaine et repassé par la ferveur des mots : un maître maigre et affaibli par l'existence, qu'un jet de lumière artificielle rend soudain à une féminité légère et une candeur désemparée, celles d'un enfant qui a vieilli malgré tout et malgré lui.
L'appartement, accueillant et lumineux, est dans une HLM parisien vieux de huit ou dix ans. Quand Prudon et sa compagne, l'écrivain Sylvie Péju, l'ont obtenu, ils n'étaient pas loin de la rue. Ils ont raconté dans Venise attendra (Grasset) le sauvetage et la révélation que fut leur rencontre : «Nous nous connaissions depuis six mois, il fallait descendre de vélo pour se regarder pédaler.» Un jour, bien avant ça, Prudon a suivi Samuel Beckett pas très loin d'ici, dans la rue de la Santé. Il avait 30 ans et il admirait l'auteur de Fin de partie, qui a réduit tant de vie à sa plus simple expression. Au début, il voulait écrire comme lui. On lui disait qu'il était chiant. Un été, il passa des vacances dans le Cantal. Il lisait le «Courrier des lecteurs et des taulards» dans Libé. Il lut des p