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Libération
Critique

Au blâme, citoyens

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Histoire. Anne Simonin analyse l’usage de l’indignité nationale de la Révolution à la Ve République.
publié le 24 décembre 2008 à 6h52

Collaborateurs envoyés en prison pour de bons ou de mauvais motifs, miliciens conduits au poteau d’exécution aux petits matins blêmes, justice dure aux faibles mais épargnant les puissants… composent le florilège des images que les Français associent spontanément à l’épuration menée, dans des conditions difficiles, aux lendemains de la Libération. Souvent erronées, ces représentations voilent l’essentiel : la peine la plus appliquée, au sortir de l’Occupation, fut en effet la «mort civique» découlant de la dégradation nationale que constatait une juridiction ad hoc, les Chambres civiques. Cette sanction a souvent été traitée avec légèreté par les historiens, plus enclins à dénombrer le nombre de prisonniers et de condamnés à mort qu’à se pencher sur le menu fretin. La statistique justifierait pourtant à elle seule que l’on prenne l’affaire au sérieux : 95 000 Français endurèrent ce déshonneur public.

Confiscation. Non contente de dégager l'importance du phénomène, Anne Simonin le restaure dans sa pleine dimension historique. De fait, l'idée de sanctionner les mauvais citoyens n'était pas nouvelle. Théorisée sous l'Ancien Régime par le baron d'Holbach, qui rêvait de former une société d'athées vertueux, elle fut en partie appliquée par les révolutionnaires soucieux de distinguer le bon grain de l'ivraie, quitte à livrer en pâture à une justice d'exception les «suspects» que distingua la Terreur. Les régimes qui se succédèrent poursuivirent sur ces brisées, et des França