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Critique

Chair pour pas cher

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Protocole. L’expérimentation médicale aux XVIIIe et XIXe siècles.
publié le 24 décembre 2008 à 6h52

La médecine a besoin de chair fraîche. Pour former les praticiens, trouver de nouveaux remèdes ou comprendre les pathologies, il lui faut des corps, qui subiront les périls des essais et des expériences pour en sauver d'autres. Mais quels corps ? Ou, plutôt, les corps de qui ? C'est cet aspect prosaïque pudiquement passé sous silence par l'histoire des sciences qui retient Grégoire Chamayou dans son analyse de l'expérimentation humaine aux XVIIIe et XIXe siècles. L'histoire qu'il dévoile ressemble davantage à une macabre descente aux enfers qu'à une glorieuse épopée du progrès médical. Non parce qu'elle conterait le sacrifice d'infortunés innocents sur l'autel de la science, mais parce qu'elle met à jour la «répartition sociale» des risques.

Aubaine. «Facere experimentum in corpore vili», littéralement faire une expérience sur des corps vils, c'est-à-dire de peu de valeur, résume une locution latine devenue proverbiale qui sert à Grégoire Chamayou de fil d'Ariane. Elle tire son origine de l'histoire au XVIe siècle de Marc-Antoine Muret qui, condamné pour ses mœurs, fut contraint de fuir en Italie. Le lettré tomba malade. Mal vêtu, mal en point, il payait peu de mine. «Faciamus experimentum in corpore vili», s'exclamèrent alors en latin les médecins avides de profiter de l'aubaine pour tester un remède périlleux… faisant ainsi fuir celui dont ils croyaient n'être pas compris.

La médecine s'est fait la main sur les ind